Le jugement de la condition : ni repris ni échangé

par Moussa du site AL-RIZQ.COM

La condition « ni repris ni échangé »  régit beaucoup de transactions de nos jours, mais quel est son jugement en islam ?

« Ni repris ni échangé » : De quoi s’agit-t-il ?

Tout d’abord,  la condition « ni repris ni échangé » est une condition qu’impose le vendeur à l’acheteur. Celle-ci veut dire que qu’il n’incombe pas à l’acheteur d’exercer son droit qu’il lui incombe dans le cas où il lui trouverait un défaut dans la marchandise « خيار العيب » .

En arabe, ce type de vente est appelé comme « بيع البراءة » qui veut littéralement dire « la vente innocente ». Pourquoi innocente ? Car le vendeur impose l’innocence d’être responsable des défauts de sa marchandise -dans le cas où il y en aurait- envers l’acheteur.

« Ni repris ni échangé » : un autre cas de figure  semblable

Ce type de condition s’applique également lorsqu’une personne essaye d’échapper à l’énumération des défauts, et qu’elle utilise d’autres mots comme prétexte pour ne pas être tenu responsable des défauts. Comme celle qui vend une voiture d’occasion en ne précisant pas ces défauts en disant « je ne te vends juste qu’ un tas de ferraille », ou autre qui vous vend un portable d’occasion en disant « je te vends juste un objet en plastique » par exemple.

Le problème de ce type de condition se pose dans le cas où l’on trouve néanmoins un défaut dans la marchandise. A-t-on le droit de la rendre ou de récupérer de l’argent  ou bien ce droit est devenu nul lorsque l’acheteur a accepté la condition du «ni repris, ni échangé ? ».

[box type= »info » icon= »/img/icone-info.png »] Il faut bien comprendre que le problème se pose dans le cas de figure suivant : Si l’acheteur n’avait pas connaissance des défauts. S’il connait les défauts au moment de conclure la vente et l’accepte que ce soit avec cette condition ou non, son droit de rendre la marchandise est annulé.[/box]

Ni repris, ni échangé : Ce que disent les savants

Les savants se sont divisés en trois en ce qui concerne le jugement de cette condition.

  • L’imam Abou hanifa a autorisé cette condition sous toutes ses formes
  • Contrairement à l’imam Chafei qui l’interdit sous toutes ses formes
  • L’imam Malik et une version du madhab de l’imam Ahmed possèdent un avis qui est entre les deux. Ils disent est que cela permis si le vendeur ne sait pas que sa marchandise possède de défauts. En revanche, s’il sait que sa marchandise comporte des défauts cela devient interdit et cette condition est nulle.

L’imam Abou Hanifa se base sur que l’acheteur a accepté cette condition. Il a donc annule soi-même son droit de revenir vers l’acheteur en cas de défauts.

L’imam Chafei l’interdit en se basant sur le fait qu’ accepter cette condition revient à donner libre-cours à l’inconnu si le vendeur ne sait pas que sa marchandise comporte des défauts, ou à la tromperie s’il le connait. Et tous les deux sont interdits en islam.

Les imams Malik et Ahmed s’appuient sur un athar qui mentionne qu’au temps du calife bien-guidé Ohtman bin Affan, Abdallah bin Omar a vendu son esclave pour 800 dirham en utilisant ce type de vente « innocente ». C’est alors que l’acheteur reprochait à Abdallah bin Omar de ne pas lui le lui avoir précisé que ce serviteur était malade. Abdallah répondit qu’il le lui a vendu en imposant la condition de « l’innocence » (à savoir ce que nous appelons de nos jours « ni repris, ni échangé »).  C’est alors qu’ Othman demanda à Abdallah de jurer qu’il ne savait pas que celui-ci était malade au moment de la vente. Abdallah refusa, et vit le serviteur lui retourner.
(Ce hadith peut-être trouvé dans le Mouwata de l’imam Malik)

Othman n’a donc pas nié, ni contesté cette condition, ce qui voudrait donc dire qu’elle est permise aux conditions citées précédemment.

Et le hadith « Les musulmans  doivent se tenir  et respecter les conditions (sur lesquelles ils se sont mis d’accord), sauf (une condition) qui rend licite quelque chose d’illicite ou qui rend illicite quelque chose de licite. » (traduction rapprochée) conforte cet avis, car si le vendeur savait que sa marchandise comporte des défauts, et qu’il utilise cette condition comme prétexte pour la vendre, alors il va de soi que ceci est de la tromperie, et le tromperie est interdit et illicite en islam. Sa condition est donc nulle.

Certains savants contemporains (Comme Ibn taymiyah et Ibn al Otheymine)  suivent l’avis de l’imam Malik et Ahmed, qui est une sorte de conciliation entre les preuves.

A noter que l’ifta d’Arabie Saoudite annule cette condition peu importe les cas de figures, et suit donc l’avis de l’imam Chafei dans ce cas.

W Allahou a’lem.

Note: Les paroles rapportées des 4 écoles juridiques ainsi que leurs preuves sont tirées de l’ouvrage d’ ibn Rouchd – Bidayat al moujtahid.

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